Publié : vous imaginez ?

Oui, au début, on imagine... puis ensuite on se calme. J'ai beau acheter régulièrement des chaussures de plus en plus large, je me dis que ce serait vraiment trop beau si j'étais publié.

Je relis l'annonce, il y aura deux prix : Le prix du jury c'est la publication, le prix du public c'est un bon d'achat et puis rien pour les autres. C'est déjà beau pour un concours local.

Grisolles est en Tarn et Garonne (82). La communication par le jeu, la promotion d'un lieu, d'une région par le jeu, c'est tellement évident qu'on a tous déjà vu des boîtes de jeu vantant les mérites de nos lieux de vacances. Mais on est souvent déçu par l'approche 'Trivial Poursuit'  ou 'Jeu de l'oie' (ou pire la combinaison des deux).  Ce n'est pas des jeux comme j'aime... pourquoi ? parce que ce sont des jeux qui ont une courte durée de vie ("4, 5, 6 la Tour Vésonne... encore !") ou sont infaisables (Comment vous ne savez pas qui a dit "A l'opposé d'un certain autre, j'aimerais mieux, à l'aventure, être le second ou le troisième à Périgueux que le premier à Paris." vous plaisantez ? ;D)
 

Un petit fascicule accompagne le concours et nous décrit le canal latéral à la Garonne appelé aujourd'hui canal de Garonne. Prolongement du canal du Midi entre Toulouse et Bordeaux (enfin presque puisqu'il s'arrête à Castets-en-Dorthe) il a été construit au XIXe par Jean-Baptiste de Baudre et Jean-Gratien de Job. Le rêve de Louis XIV, de Pierre-Paul Riquet et de Vauban, est réalisé malheureusement trop tard : le chemin de fer empiète sur sa niche économique et, c'est dès les premières années d'exploitation, qu'on donne le coup de grâce à ce canal en confiant la gestion de celui-ci à son principal concurrent la compagnie de chemin de fer... vous pouvez en savoir plus sur les déboires du Canal de Garonne sur le site de F. Vieillefosse un passionné qui met régulièrement à jour son site.

J'ai une petite nostalgie sur les canaux en général, c'est des souvenirs personnels et surtout une évidence : les canaux ne sont pas des rivières naturelles, l'eau qui y circule est détourné de cours d'eau naturel. Chaque passage d'écluse est une dépense d'eau incroyable, il faut donc économiser les passages.

C'est mon idée de départ, économiser l'eau ! Gérer l'eau ! Un mini jeu de gestion, car le public visé est clairement familiale. Ce jeu devra s'adresser à tous.

Je commence à griffonner des trucs avec des gouttes d'eau qui glissent sur le plateau et un stock à gérer... difficile à mettre en place. Je décide que je n'en sais pas assez. Le jeu pour Panazol étant envoyé, et ayant encore un peu de temps pour Grisolles, les vacances avaient commencé depuis quelques jours, j'ai mis mes palmes, mon tuba et j'ai plongé dans le net... le canal de Garonne ne doit plus avoir de secret pour moi. Je découvre rapidement le site de M. Vieillefosse, mais surtout je découvre les blogs des Mariniers... euh des Bateliers (on dit Marinier au nord de la Loire... mais bon, aujourd'hui cela se perd ;) ).
 

Là, c'est un choc. Les bateliers se racontent sur plusieurs générations, décrivent les péniches sur lesquelles ils sont nés, ce qu'elles sont devenues, qui les a repris, retapées ou déconstruites. Je comprends alors qu'on nait batelier et que lorsque l'économie les a rattrapé, ils n'ont pas pu quitter le canal, la rivière, et ils se sont installés à coté. Éclusiers, agriculteurs, restaurateurs... toujours proche de l'eau. Ce sont des marins mais d'eau douce, et l'on sait l'attachement des marins à la mer, et bien c'est à peu prêt la même chose pour le canal.

Je ressors de mon immersion internet 'canal de Garonne' trois jours plus tard (je vous rassure, j'ai mangé et dormi aussi) la tête plein de souvenirs par procuration.


Début juillet, mon épouse et moi-même partons à l'autre bout du canal de Garonne à Castets-en-Dorthes faire des photos et s'inspirer en vrai de l'air du canal. Je constate avec dépit que les maisons éclusières sont vides, les écluses entièrement automatisées... que reste-t-il de cette histoire ? Une promenade, un voie verte, un plan d'eau, des aires de pique-nique, des fossiles de la modernisation.
 

Je voulais mettre sur papier tout ça, restituer l'émotion de ces gens. La cruauté du marché envers les Bateliers, artisans ou ouvriers broyés par l'économie. C'est alors que j'ai eu ma seconde certitude sur mon jeu : il fallait gérer l'humain en plus de l'eau.

Donc, je vais faire un jeu de gestion facile. Un jeu de gestion familiale, car je ne perd pas de vue l'objectif. Chaque joueur incarne un famille de bateliers, au début, ils sont nombreux pour tirer la péniche... forcément le moteur à explosion n'existe pas, et les bateaux à vapeur assez volumineux et rares (mais il y en a). Tirer un bateau ? On appelle ça le halage. Si c'est à force d'homme, c'est le halage à la bricole : la bricole est la ceinture en cuir que les hommes se passent autour de la taille pour... s'arnacher au bateau. Les chevaux ou les bœufs, c'est mieux mais plus cher... donc les joueurs commencent sans bétail mais peuvent en acheter... argh ! Acheter ! ACHETER !


Je vais donc avoir une troisième ressource : l'argent ! Ok ! Je vais en faire les points de victoire, plus on a de sous, plus on gagne ! En plus, c'est un classique comme thème, être le plus riche... oui, mais, être riche c'est aussi se moquer de comment on le devient... et si on doit pour cela assécher le canal, on n'hésite pas, on gagne des sous ! Du coup, mon approche gestion de l'eau disparait.

J'ai donc changé mon fusil d'épaule. J'ai rajouté un système de points de victoire, plus la décision qu'on prend est en raccord avec un aspect écologique/touristique plus on gagne des points de victoire, plus on méprise ces aspects pour le profit plus moins on gagne de points de victoire (PV), voire on en perd. Ainsi les joueurs peuvent faire le pari du tourisme et de l'écologie ou au contraire les sous... qui seront convertis en fin de partie en PV.
 

A cela, j'ai ajouté le défilement du temps, la modernité avec ses bons cotés (éco-tourisme, recyclage) et ses mauvais (industrialisation, voie rapide et centrale nucléaire) et un marquage local Tarn et Garonne par l'ajout de carte événement qui reprenne des lieux et des personnages de ce département.

Le jeu, ainsi conçu, part pour Grisolles sous la forme de règle... J'ai finalement un jeu un peu trop gros pour être familiale, mais très riche, très documenté...
 

Le jury dira 'très immersif'. 

 

 

Et c'est vrai que lorsqu'on est dedans, on y est vraiment. Qu'acheter ? Le bateaux à moteur ? La centrale hydro-électrique ? Dois-je ou non construire la 'Pente d'eau de Montech' ? N'est-il pas plus profitable de construire la Voie Verte ? Mes bateliers devront-ils faire des études ou aller travailler au champ pour aider l'agriculteur du coin ?

Je suis donc sélectionné pour la finale du 3 et 4 octobre 2009 où je devrais présenter mon jeu au public dans l'espoir d'avoir le prix du public... soit 200 € en bons d'achat.. super non ?

J'ai pas gagné, mais je vous raconterai le festival de Grisolle une autre fois.


Par contre, aujourd'hui Les Bateliers attendent les délibérations du concours de Boulogne-Billancourt... THE concours ! C'est le 13 juillet... c'est demain !

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